Qui a volé le Chemin de Sèvres de Corot au Louvre ?

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Alors que le voleur d’art Stéphane Breitwieser publie ses souvenirs, Libération s’est procuré une lettre dans laquelle il se désigne comme l’auteur du vol d’un Corot au Louvre en 1998.

La question mérite d’être posée aujourd’hui, alors que paraît le livre de souvenirs de Stéphane Breitwieser (1). Condamné pour le vol de 230 tableaux et objets d’art, ce voleur en série a écumé pendant huit ans les musées européens. Arrêté en Suisse en 2001 et condamné, il a été libéré en 2005.
Depuis sa disparition il y a neuf ans, le tableau de Corot reste introuvable. Or, dans des courriers écrits depuis sa prison de Mulhouse, dont Libération a pu avoir copie, Breitwieser s’en attribue le vol. Mais il se garde bien de livrer cette confidence dans son ouvrage consacré à peaufiner son image d’amateur d’art. Dans ce récit, Breitwieser ne livre ni regrets ni révélations, même s’il se vante d’avoir commis au moins 50 vols ­ en plus des 230 confessés ­, sur lesquels il ne donne aucune précision. En fait, il a toujours été soupçonné de larcins non avoués, pour la bonne raison que les oeuvres auraient été cachées, vendues ou détruites.

Dans ce courrier d’une écriture enfantine, il avertit son ancienne compagne, Anne-Catherine, qui l’a quitté, qu’il entend se venger : «J’ai l’intention d’écrire au procureur de Strasbourg pour l’informer en détail de notre parcours.» Suit une liste de vols de vêtements, de bijoux ou d’accessoires de mode, puis: «Vol d’un tableau de Corot au Louvres (sic) en mai 98…»
Stéphane Breitwieser avait été soupçonné de la disparition du Corot, comme de celle de deux Sisley, l’un à La Rochelle, l’autre à Orléans, les vols ayant été perpétrés à des dates qui correspondent à des déplacements de l’intéressé. Qui n’a jamais pu produire d’alibi. Quant au modus operandi, il correspondait exactement au sien : décrocher le tableau et s’en aller. A Orléans, un portrait-robot lui ressemblant de manière saisissante a même été dressé par un gardien. Ce Sisley a ensuite été pisté en Russie aux mains d’un marchand.
Cachette. Dans ses courriers, Breitwieser évoque également «la vente d’une dizaine d’oeuvres d’art», alors que, dans son ouvrage, il affirme le contraire. La justice s’est d’ailleurs toujours interrogée sur le train de vie et les périples incessants d’un jeune homme qui partageait sa vie entre chômage et petits boulots, mais qui avait déposé 30 000 euros en espèces sur ses comptes.
Breitwieser prétend également avoir vu son régime de semi-liberté, en 2005 à Mulhouse, brièvement supprimé simplement pour avoir envoyé un message d’amour à son ancienne compagne qui s’en serait plainte. Il n’a pas dû conserver le souvenir de ces mots d’amour assez particuliers : il avait communiqué son adresse à des truands d’Europe de l’Est avec lesquels il s’était lié en prison en Suisse, leur recommandant de s’en prendre à elle pour récupérer des tableaux, des bijoux ou de l’argent. Le 19 avril 2005, il avait dit à Anne-Catherine de s’attendre à des «représailles» de ses «amis mafieux en Suisse» qu’il «ne contrôle pas» (sic). «Vous voulez la guerre, OK, maintenant vous allez l’avoir… la mafia s’en occupe.» Et quand un officier de police vient l’interroger dans sa cellule sur ces menaces, Breitwieser lui rétorque: «Vous ne savez pas à qui vous avez affaire.» Ce qui ne l’a finalement pas empêché de bénéficier d’une libération anticipée le 5 juillet 2005, six mois seulement après son procès.
Contrats lucratifs. En principe, toute sa collection a été détruite par sa mère après son arrestation. Mais, toujours dans ses courriers, il évoque une cachette et d’une cinquantaine d’oeuvres qui «dorment en lieu sûr». Néanmoins, quand Bernard Darties, chef adjoint de l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels, est allé l’interroger, il n’a rien obtenu. Une enquête doit être rouverte aujourd’hui.
Le livre répond à un autre objectif : faire passer son auteur pour un héros malheureux des temps modernes, un «nouvel Arsène Lupin», comme l’a écrit le Nouvel Observateur. Dans une interview donnée à Pierre Assouline, journaliste qui avait accepté de témoigner pour sa défense au procès, il était comparé à un grand collectionneur de notre temps. Tout ceci sur fond de tractations pour des contrats lucratifs signés avec l’éditrice Anne Carrière et une société de production audiovisuelle, B & B. Ce qui n’empêche pas Stéphane Breitwieser de s’en prendre aux musées qui osent lui réclamer le paiement des dommages et intérêts.
Le 29 juin, Breitwieser a été repris en flagrant délit de vol de vêtements. Il a été laissé en liberté. Et son éditrice a accéléré le plan médias avant son passage au tribunal de Créteil, le 28 octobre.
(1) Confessions d’un voleur d’art , 360 pp., éd. Anne Carrière.

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